Benoist Raffin

Paris - France

Benoît Raffin

 

Il n’est pas de parcours tout tracé. Encore moins dans le monde de la musique. Que Benoît Raffin ait, par la grâce de son batteur de père Bernard Pops, goûté dès le berceau au meilleur du rythme ne change rien à l’affaire. Il a fallu qu’il s’amuse, un temps, à déjouer son destin. Flirtant du côté des sciences, de la philosophie et de la poésie, il a vagabondé à l’université pour ensuite mieux retrouver, tel le fils prodigue, sa Vaterland musicale. Tant de bonnes fées s’étaient penchées sur son enfance : compagnons de scène de son père faisant halte au foyer familial, géants d’hier et d’aujourd’hui – de Louis Amstrong à Andrew Hill, en passant par Jelly Roll Morton, Sydney Catlet, Duke Ellington Sun Ra, Herbie Hancock et Cecil Taylor, seuls  à avoir droit de cité sur la stéréo parentale ! -, que bon sang n’a pu mentir : l’école du son, décidément, était la seule qui mérite engagement.

 

Sûr désormais de sa voie, les oreilles grandes ouvertes, il glanera écoute et conseils auprès des batteurs de passage dans la capitale. Le grand pédagogue Alan Dawson et le génial Roy Haynes, pour ne citer qu’eux, feront bientôt partie de son paysage musical. Un enseignement sur le tas, mieux, sur le vif, que Benoît Raffin complète par des études académiques : diplôme de Fin d’étude en percussion classique au CNR de Boulogne –bien pratique pour pouvoir ‘cachetonner’ d’opérette en formation symphonique ! - et cours d’analyse musicale à la Sorbonne sous la direction, excusez du peu, d’Emmanuel Levinas.

 

Mais chez ce faux autodidacte, faire ses gammes c’est d’abord chercher sa voie. S’il se nourrit avec bonheur du vocabulaire de Sidney Catlet, Cozy Col, Max Roach, Art Blakey, Philly Jo Jones, Papa Jo Jones, Billy Higgins, Tony Williams, Elvin Jones, Roy Haynes…, il n’en oublie pas pour autant de développer son propre style. D’emblée, il a compris que le langage de la batterie relève de l’art oratoire, qui n’est jamais meilleur que dans ses silences. Son art poétique à lui passera donc par la nuance – « Pas la couleur, rien que la nuance !/Oh ! la nuance seule fiance/Le rêve au rêve et la flûte au cor ! » disait le poète -.Autrement dit la finesse, le phrasé. Ce que d’aucuns, banalement, nomment le swing, un mot qui dans le cas de Benoît Raffin, ne doit pas se prononcer d’un coup, à l’emporte-pièce, mais en détachant avec suavité et précision chaque lettre. Rien de mièvre, pourtant, dans cet art de ciseler chaque coup de baguette. Bien plutôtune science innée du tracé, doublée d’une conception quasi chorégraphique de la pulsation qui telle un trait de couleur à la Miro, scande l’espace. Le rythme comme danse des sons…

 

A partir de là, tout ira sinon très vite, du moins très sûr. Benoît Raffin se fait connaître, et reconnaître, d’un nombre grandissant de professionnels, qui l’invitent à jouer avec lui. La liste de ces joyeux compagnons de concerts et de bœufs serait trop longue à réciter. Disons simplement que, de Bobby Few, Jean-Loup Lognon, Philippe Sélam, Geoffroy de Masure, à Stéphane Payen, Sylvain Catala , Emile Parisien, Benjamin Duboc, Jobic Lemasson et consorts, elle rassemble certains des musiciens les plus rigoureux et inventifs de ces dernières décennies. Là encore, nul besoin de taper fort pour se faire entendre. Lauréat en 1996, avec le Philippe Mira Quartet, du concours national de jazz de La défense, Benoît Raffin voit grandir peu à peu le cercle de ses ‘followers’. Son nom se répète d’amateurs à initiés, qui d’une formation à l’autre, suivent ses prestations avec fidélité, sûrs toujours d’entendre le jazz dans ce qu’il a de plus juste. Egrenés au fil des années, ses albums en trio ou quatuor jusqu’à la grande formation jalonnent un parcours authentique qui doit tout à son talent, comme à son art de la rencontre. Quant à ses incursions vers d’autres musiques - qu’il s’agisse de la chanson à texte d’une Dominique Grange, d’illustrations sonores sur les textes de Jacques Tardi(« N'effacez pas nos traces » et « Le Sang des tranchées »), l’opérette contemporaine (« Filons vers les îles marquises » d'Eugène Durif), ou la partition d’un spectacle pour enfant (« Péhot L'arbre magique », par la Compagnie Turbule) -, elles témoignent de la curiosité inlassable d’un musicien, ouvert et sensible, pour toutes les formes de création.

La Fabrica’Son, collectif de musiciens créé en 2000 et pépinière de talents dédiée à la promotion du jazz et des musiques improvisées, accueille depuis plusieurs années ses multiples initiatives en matière de composition, de formation ou d’actions pédagogiques. Encore une facette à découvrir d’un artiste généreux, dont la médiatisation relative est très inversement proportionnelle à la qualité d’âme, et de son.

Dernière connexion : mar 04/05/2021 - 20:39